On parle rarement de la mort, du deuil, de ce qu’on ressent quand l’être aimé est parti, quand on en parle, on sent un léger froid qui s’installe et puis on change de sujet. On ne sait pas comment réagir à l’évocation de ces processus et moi la première.
Connaissez-vous les étapes du deuil ? Moi je les ai étudiés peu après la mort de mon papa et elles m’ont toujours révoltées.
- Le déni, j’ai vu mon père mourir, je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’être à cette étape.
- La colère, ah oui pardon, j’avais oublié qu’il fallait être heureuse.
- La tristesse, relisons la phrase d’au-dessus.
- L’acceptation, à quel moment j’ai envie d’accepter que mon père ne soit plus là ?
- La reconstruction, la vie continue, oui, merci.
Moi, ce que j’ai ressenti à la mort de mon père, c’est du soulagement, et ça personne n’en parle.
J’ai vu mon père souffrir, s’acharner, s’accrocher, j’ai vu les tous les hôpitaux de Strasbourg encore et encore, les médicaments, les anti-douleurs et les anti-dépresseurs s’accumuler… Tout ça pour nous, pour quelques moments de joies et d’amour avec nous.
Mais oui à la fin, cette souffrance était devenue tellement difficile que je ne pouvais pratiquement plus aller à l’hôpital. Je fus soulagée et depuis la culpabilité de ce sentiment ne m’a plus lâché. Comment peut-on être soulagé de la mort de son père quand celui-ci a enduré mille supplices pour vous ?
La vie continue et le manque, et le vide s’installe et on apprend à vivre avec.
Mon père ne m’a pas vu diplômé, il ne m’a pas vu vivre ma plus belle histoire et il ne me verra pas me marier. Tout cela l’aurait rendu heureux, fou de joie et fière.
C’est difficile de parler des gens qui sont partis, c’est personnel, tout le monde se souvient et personne ne parle, on en souffre mais on ne veut pas faire souffrir les autres.
Une philosophe belge, Vinciane Despret, dit : Parler des morts, s’adresser aux morts, c’est les faire exister.
Comment fait-on pour faire vivre les morts sans blesser les autres ? J’écris.
J’aime parler de mon père et de l’aventurier qu’il était. J’aime parler de son amour pour l’histoire, le foot et sa famille. J’aime parler des souvenirs qu’il nous reste, je ne suis plus triste quand on parle de lui.
Mais je n’accepterai JAMAIS sa mort.
Je vois mon père dans mes émotions, dans ma créativité, dans mon écriture, dans ma cuisine. Je vois mon père dans les yeux de mon frère. Je vois mon père dans les musiques qui passe à la radio, dans les tableaux de Kandinsky ou Cézanne. Je vois mon père quand je regarde la lune, quand il fait beau ou quand il pleut. Je vois mon père…
Layla